Eric Quéquet est connu pour avoir mis au point le système de Savate Défense, une version Self Défense très réaliste des disciplines françaises historiques de combat. Puis Eric a quitté le monde de la Savate au profit de l’Académie Des Arts de Combat, un réseau rassemblant une trentaine de clubs de self-défense, à l’ « esprit commun ». Le concept enseigné s’appelle « Défense de rue », mis au point par Eric, en collaboration avec entre autres, Robert Paturel. Cette discipline est composée de trois méthodes aux apports convergents ; la Boxe de rue, La Lutte de rue et les Armes de rue et complétée par des stages de mise en situation nommées CATS (Concept d’Adaptation Tactique en Situation). Eric est aussi le concepteur d’une méthode de self-défense pour femmes, qui s’appelle « Amazon Training« . Il intervient aussi en entreprise depuis 1998 comme formateur spécialisé dans la gestion de la violence et des conflits.
PROTEGOR : Eric, tu étais policier au début de ta carrière ? Quel est ton retour d’expérience sur ces débuts ? Pourquoi as-tu quitté la police ?
Eric Quéquet : J’ai en effet été policier durant 14 ans, d’abord sur la voie publique à Meudon et Meudon la Forêt, puis dans le 18e arrondissement à la 2e Brigade Mobile d’arrondissement qui à l’époque faisait encore de l’anti-criminalité en tenue sur le deuxième district de Paris (le 1e 2e 18e et 9e arrondissement). Ensuite j’ai suivi une formation d’Animateur des Activités Physiques et professionnelles (sport, tir et technique de police) et j’enseignais aux collègues sur le 7e arrondissement ainsi que sur le 3e. Je me suis vite ennuyé et j’ai postulé pour rentrer au Service de Protection de Hautes Personnalités, au service des personnalités étrangères dans un premier temps, puis à la formation, puis à la protection présidentielle (GSPR). En 1997, j’ai décidé de quitter ce poste, puis j’ai choisi d’enseigner à l’école de Police de Vincennes pour, en fait , préparer ma sortie.
J’ai beaucoup aimé mes années police, elles m’ont appris énormément. J’ai eu plein de mésaventures formatrices et comme j’ai une bonne étoile je m’en suis sorti sans trop de casse à chaque fois. Ne pas savoir ce à quoi on va être confronté au jour le jour correspondait bien à mon caractère qui se satisfait mal avec la routine. A Meudon j’ai fait mes premières armes mais ce n’était pas trop passionnant outre deux trois « coups de chaud ». Je me souviens par exemple d’une nuit où je conduisais l’officier de paix pour sa permanence sur le département. Nous nous sommes retrouvés nez à nez avec un repris de justice armé et en crise (il venait de s’apercevoir que son meilleur ami couchait avec sa femme pendant qu’il était en prison, ça énerve). Nous nous sommes mutuellement braqués à 5 mètres l’un de l’autre (façon John Woo pour les cinéphiles) et ça a duré un petit moment comme ça avant que l’un de ses proches ne vienne essayer de le calmer. A un moment ce dernier s’est interposé entre nous deux et lui a bloqué la main armée, je fais un départ de sprint et l’ai percuté avec l’épaule ce qui lui a fait lâcher l’arme et l’a sonné le temps de lui passer les menottes.
Dans Paris ça bougeait plus, cela demandait beaucoup de vigilance. J’ai beaucoup appris à me servir de mes yeux et à interpréter les comportements. J’ai aussi appris avec un vieux de la vieille à m’adapter à l’interlocuteur, avoir l’air méchant avec certains et compréhensif avec d’autres. J’ai développé assez vite des aptitudes pour la négociation et résolu pas mal de cas de cette manière. Les gens ne voient en vous qu’un uniforme et vous avez tendance à ne voir en face qu’un délinquant ou un contrevenant. Quand un dialogue intelligent s’installe chacun des d’eux s’aperçoit qu’il y a un être humain en face, ça décrispe. Bien sûr des fois ça ne marche pas et là il faut passer à l’usage de la force. C’est pas forcément le plus facile et il faut s’entrainer pour ne pas faire n’importe quoi et rester professionnel…
Bien des années après j’ai quitté la Police parce que je sentais que cela changeait, que la politique prenait trop le pas sur le métier et qu’au final cela arriverait à une situation où l’on ne pourrait pas bosser correctement. J’ai aussi protégé quelques grands noms de la politique de droite et de gauche… et au final j’ai compris que leur monde n’était pas le notre et que je n’étais pas près à perdre ma vie pour eux. En résumé, et sans faire de politique, c’est toujours la même chose depuis la nuit des temps : une minorité à le pouvoir, l’argent et ce qui va avec, quelque soit leur tendance politique ils s’arrangent entre eux pour que cela reste comme ça. J’ai vu les gens que je protégeais, ou leur entourage, dépenser des sommes colossales, bénéficier de privilèges sur le dos de l’état… avec nos impôts. Cela m’a dissuadé de continuer à servir ce système. Je suis très attaché à l’éthique. J’ai donc décidé qu’il était temps de changer d’horizon, même si, je le confesse, je rêve encore très souvent que je suis en train de « courir après les voleurs », ce qui me plaisait le plus.
PROTEGOR : Certaines situations t’ont-elles servi de révélations pour des concepts que tu enseignes aujourd’hui ?
Eric Quéquet : On peut presque dire que chaque situation m’a nourri pour construire ce que j’enseigne. Un exemple m’a fait toucher du doigt la nécessité de bien contrôler son environnement avant d’intervenir :
Un matin j’étais chef de patrouille dans une voiture (TV en langage policier) avec deux jeunes nouvellement arrivés à la brigade. Sur les ondes on nous demande de nous rendre place Stalingrad à Paris pour un individu violent et dangereux qui s’en prend aux passants. Rendus sur place je vois deux motards de la Police qui semblent en attente, paisibles… Je descends donc prendre contact avec eux en demandant à mes collègues de m’attendre. De là où nous étions nous ne pouvions voir le dessus de la place qui était un peu sur élevée par rapport à la route. Je salue les deux collègues persuadé que l’action était terminée, leur attitude me portant à le croire. C’est alors que je vois un type très énervé frapper de toutes ses forces un pauvre type qui allait au boulot, interloqué je me tourne vers les motards pour les engager à me suivre pour intervenir, l’un d’eux me dit texto « on attend les renforts ». N’y tenant plus je fonce sur le type qui se met en garde près à combattre. J’étais à cette époque compétiteur de Boxe Française et je m’entrainais fort, j’enchaine donc coup de pied circulaire à l’intérieur de sa jambe (trop) avancée immédiatement suivi d’une grande droite qui le choppe au menton et m’amène à frapper ma gauche dans le vide, sa tête ayant bougée sous le choc. Je l’ai rattrapé par les cheveux et planté un coup de genou au plexus qui mit un terme à sa combativité. Je me penche dans la foulée, le menotte et le relève. C’est à ce moment précis que j’ai dû esquiver (merci la boxe !) une canette de bière qui m’étais destinée. Avec stupeur je me suis aperçu qu’il n’était pas seul mais 5 au total. J’avais été victime de mes émotions et de l’effet tunnel qui vous porte à focaliser sur un élément au lieu de checker tous les paramètres de la situation. D’un coup ce fut très inconfortable, je me servais du type menotté comme bouclier en reculant vers la chaussée en contrebas pour m’échapper. Les autres étaient comme fous et essayaient de me frapper pour libérer leur pote. Les motards transis de trouille ne bougeaient pas et moi je me sentais un peu seul au monde. C’est alors que Pierre un de mes jeunes collègues trouvant le temps long m’a vu en difficulté et est arrivé au galop, matraque au vent taper dans le tas pour me dégager. La fuite fut épique…. les gars sous alcool ne sentaient pas trop les coups et nous n’arrivions pas à embarquer dans la voiture (qui avait fini par nous rejoindre) tout en se battant en reculant. Quelques minutes plus tard on repartait toutes portières ouvertes, moi sur la banquette arrière allongé sur le menotté couché sur le ventre, et en étranglant un autre que j’avais emmené avec moi. Bref trois types les uns sur les autres et trois paires de jambes qui dépassaient de la voiture en gesticulant. Pierre était à genou à l’envers sur le siège avant et essayer de menotter celui qui était sur le haut de la pile, ce qui lui valu un coquard…
Bref j’ai fait une belle faute professionnelle en intervenant sans analyse. Depuis quand mon instinct me dit qu’il y a un problème je prends le temps d’analyser. Je regarde (gauche droite haut bas) j’écoute et j’essaye de comprendre. Je prends en compte le nombre de personnes en cause (visibles et non visibles) leur motivation, ce qu’ils ont dans leurs mains , dans leur poche ou à leur ceinture et,je situe une sortie pour fuir si il y a lieu. Je tiens également compte de l’environnement proche (objets, gênes, armes potentielles…) Cela m’a servi plusieurs fois.
Pour la petite histoire, mon copain Pierre fait une belle carrière dans la Police aux dernières nouvelles il était dans la BRI à Marseille, auparavant il était au GIPN et d’autres services qui bougent, c’est un vrai flic et je lui dois une fière chandelle. Quant aux deux motards….
Avec d’autres expériences j’ai appris que dans le stress faut pas faire du compliqué (faire simple est déjà assez dur) , que l’on réagit comme on s’entraine et que l’expérience réelle prime sur tous les entrainements. Enfin que les situations réelles ressemblent finalement assez peu aux situations de gymnase.
J’ai remarqué aussi que ce n’est pas forcément les plus costauds, sportifs et profilés qui réagissent le mieux dans l’action réelle. J’ai vu des petits gros qui ressemblent à rien réagir comme des héros et des warriors d’opérette se dégonfler…
PROTEGOR : Après tu as donc créé la Savate Défense. Pourquoi la Savate ? Quel a été ton cheminement pour arriver à ce système ?
Eric Quéquet : Et bien en fait j’étais compétiteur en Boxe Française et moniteur. J’ai décidé d’aller plus loin et de passer un brevet d’éducateur sportif de Boxe Française. Je suis arrivé Major à l’examen ce qui m’a rapproché de la Direction Technique de l’époque, Jean Michel Reymond et Marc Bregère, (deux types excellents) qui m’ont un peu pris sous leur coupe.
Tous deux préparaient physiquement l’équipe de France et à leur contact j’ai énormément appris avec l’humour en plus. Un jour ils m’ont parlé d’un projet fédéral qui consistait à retrouver les vieilles techniques de self défense à l’origine de la Boxe Française et à en faire une discipline à part entière. Peu de gens le savent mais avant d’être un sport la Savate, comme on l’appelait, était un système de self défense et de combat de voyous. C’était l’exacte moment où je venais d’arrêter la compétition au profit d’un entrainement plus adapté pour la rue. Je n’avais rien trouvé qui me satisfasse alors je me suis mis à chercher avec quelques copains d’expérience. Eric Tiersonnier fut l’un des plus importants et pour ces recherches nous avons fondé l’Académie Des Arts de Combat, surtout afin de bénéficier de créneaux dans les gymnases parisiens.
Quand Jean-Michel et Marc ont eu vent de mes travaux ils m’ont demandé si le projet m’intéressait et si je voulais le monter du point de vue technique. C’est comme cela que tout a démarré.
PROTEGOR : Donc aujourd’hui, Eric Quéquet et la Savate Défense, c’est FINI ! n’est-ce pas ? Que s’est-il passé ?
Eric Quéquet : Et bien je me suis occupé de cela 10 années durant, j’ai formé une multitude d’enseignants pour le compte de la fédération. J’ai même dû payer mon voyage et mon logement pour le premier stage national que j’ai encadré ! Au résultat cela me prenait beaucoup de temps et la « machine fédérale » n’était pas vraiment reconnaissante. Elle me payait grassement l’encadrement de ses stages nationaux 1000 francs la semaine déclarés et imposés (pour 8 heures de boulot par jour pour ma pomme car le soir je corrigeais les devoirs).
Bref un moment j’en ai eu marre et j’ai préparé ma démission que je n’ai même pas eu le plaisir de présenter car l’un des cadres que j’avais formé et qui briguait ma place a monté une opération dans mon dos visant à convaincre le président que je montais des stages « illégaux » via l’ADAC. Celui-ci m’a déclaré « personna non grata » sans même vérifier l’information qui était totalement fausse. Personne d’ailleurs ne m’a rien dit je n’ai juste plus été convoqué aux réunions, ce qui ne m’a pas manqué d’ailleurs. J’ai juste apprécié l’inélégance.
Ce gentil cadre dirige donc maintenant la savate défense et a pris une autre direction avec son équipe. Nous ne faisons donc plus la même chose et de plus il interdit qu’un stagiaire porte un tee-shirt de l’ADAC dans ses cours. Il dit souvent que Paturel et Quequet c’est de l’histoire ancienne. Il a juste oublié qu’on l’a formé et aspiré dans la commission de Savate Bâton Défense et que l’ADAC a été le berceau de la Savate Défense.
« Si tu veux voir la nature profonde de quelqu’un donne lui du pouvoir » disait le sage… Le pire c’est que si je le croise demain il va me sourire et me serrer la main. Donc j’ai préféré me dissocier carrément après avoir écrit le livre « Savate Self Défense » aux éditions Chiron qui résumait l’ensemble de mes recherches sur le sujet. Il est intéressant de remarquer que je n’apparais plus sur les documents retraçant l’histoire de cette discipline, mieux ! certains de mes textes sur les documents de formation sont signés par d’autres. La fédération a cette faculté d’utiliser les compétences et de jeter les gens quand ils ont bien été utilisés, sans remerciement. Heureusement il y a aussi pleins de gens sympa qui jouent le jeu et font avancer les choses et puis soyons juste, monter la savate défense m’a appris à structurer une méthode et surtout à ne pas refaire les mêmes erreurs avec l’ADAC. Merci !
PROTEGOR : « Défense de rue » se découpe en percussion (boxe), préhension (lutte) & armes. Abordes-tu la « sécurité personnelle » (avant l’agression) dans ces cours ?
Eric Quéquet : Oui cela fait partie des choses que j’enseigne car pour moi c’est indissociable de la self défense. Croire que la défense consiste à répondre à une attaque X par une riposte Y est une hérésie ! L’avant par exemple est déterminant. Si vous n’êtes pas vigilant vous ne voyez rien arriver (ce qui vous prive d’anticipation) et vous êtes repérable. Un « prédateur » repère l’élément faible du troupeau, et l’une de ses caractéristiques est le manque de vigilance !
Le comportement non verbal, l’attitude, ce que vous dites ou non et la façon dont vous le dites sont très importants. Et il y a encore bien des aspects à traiter…
Le problème c’est que tout le monde n’est pas réceptif à ce discours et que quand les gens viennent en cours c’est pour suer un bon coup et se donner le sentiment d’être efficace en apprenant quelques techniques. De plus les entrainements ont souvent lieu le soir, après le boulot et certains ont du mal à être concentrés. C’est pour cela que j’ai monté des stages spécifiques appelés CATS (Concept d’Adaptation Tactique en Situation). Ainsi je mets les stagiaires dans des situations scénarisées, dans des lieux de préférence non sportif et bien sur en tenue de ville sans échauffement. Ils doivent réagir, sous l’oeil de la caméra, à ces situations comportant parfois des pièges.
Ensuite on débriefe afin que cette expérience leur serve. Ce stage réaliste agit comme un vaccin. Il a éveillé plusieurs personnes qui ne se sont plus entrainé de la même manière après, il en a sauvé plusieurs autres qui se sont souvenus de ce qu’ils ont appris quand ils ont été confrontés à une vraie agression.
Le CATS existe depuis 1998 et n’est pas très connu (car pas médiatisés), c’est dommage car c’est une expérience très formatrice. Ils se déclinent en trois niveaux qui sont obligatoires pour les enseignants de l’ADAC.
Concernant cet aspect il faut savoir que je vis en partie grâce à cela car je mène en parallèle une carrière de formateur en entreprise. Je forme des personnels hospitaliers, des contrôleurs de titre de transport, des éducateurs et beaucoup de monde à faire face à l’agressivité et à la violence. Ceci m’a amené à me former pour pouvoir mettre des mots sur des expériences que j’avais eues. Ce n’est pas le tout de vivre et comprendre des choses encore faut-il pouvoir les transmettre, notamment à des gens qui ont très peur de la violence et qui n’ont pas d’aptitude au combat. Je m’intéresse beaucoup aux neuro sciences qui expliquent beaucoup de nos comportements. On y trouve des pistes intéressantes pour gérer les émotions et aussi pour s’entrainer efficacement.
PROTEGOR : Comment avez-vous constitué l’arsenal de techniques des Boxe & Lutte de rue ?
Eric Quéquet : Je suis parti du postulat suivant : je ne peux pas limiter mon enseignement à mon seul savoir faire. En d’autres termes, j’ai fait appel à des gens compétents pour que leur savoir complète le mien.
Pour cela j’ai réuni les gens que j’avais remarqués pour leurs aptitudes en matière de Self Défense et pour leur savoir être. C’est très important pour travailler ensemble que les egos ne soit pas trop ex-croissants. On trouve beaucoup de systèmes qui tournent autour d’une personne, émanation divine qui a réponse à tout et qui ne veut pas perdre son statut. Moi je me suis dit que ce serait plus efficace de mettre plusieurs cerveaux au service de nos recherches et surtout plus sympa.
L’équipe s’est donc montée avec Robert Paturel que l’on ne présente plus, Michel Benes qui a fait un gros travail sur la gestion de l’agressivité, Lionel Lalo qui lui a bossé sur les armes, Philippe Da Costa qui après un passé de compétiteur s’est mis à bosser dans la sécurité pour compléter son expérience et a monté la Lutte de rue, Philippe Hiegel prof d’éducation Physique spécialisé dans la préparation physique et quelques autres encore comme Pascal Tournier qui a bossé sur la Canne, Philippe David sur les enfants; Thomas Gilbert sur les ados…
Je suis le chef de projet en quelque sorte, je fixe les objectifs je laisse les gens travailler et me présenter régulièrement leurs travaux, pour éventuellement les réajuster. Nous expérimentons la méthode à peu près deux ans avant de la valider. Je demande un vrai travail de présentation, pas deux idées sur un bout de papier froissé. A la fin la méthode est présentée aux autres cadres qui l’essayent dans leur club et font une retour d’expérience.
Avec Robert et Michel nous avons écrit la Boxe de rue, fixé les contenus, les niveaux, les jeux pédagogiques, rédigés des fascicules etc… c’est un gros boulot. Sans compter qu’il faut remettre à jour, on a pas mal épuré depuis le lancement.
Au final je décide ce que l’on garde ou pas. Il faut que cela soit reproductible en situation de stress (pas trop compliqué donc), que l’on puisse le faire en vêtement de ville, que cela incorpore l’éventualité de la fuite. Je m’explique à ce sujet : si en lutte de rue on privilégiait les finalisations au sol (clés, étranglement etc) on passerait à côté de notre objectif. Finir au sol c’est très bien dans une salle de sport mais dans la rue trainer au sol est synonyme de vulnérabilité. On ne voit pas arriver les copains de l’autre par exemple qui vont jouer au foot avec notre tête. Mieux vaut se dégager au plus vite après avoir traité le cas N°1 pour faire éventuellement face au cas N°2 ou fuir si l’on peut.
Nous incorporons donc systématiquement l’éventualité d’un deuxième agresseur, ou d’une sortie d’arme. Nous apprenons aussi à se défaire des règles sportives, on oblige à mordre-pincer-frapper là où c’est efficace, etc.
PROTEGOR : Quelles sont les armes enseignées dans le module « Armes de rue » ?
Eric Quéquet : La ceinture, la revue, le stylo, la canne etc… en fait on divise par catégorie de maniement.
Par exemple les armes souples (ceinture, veste…) se manient d’une façon relativement commune, les armes rigides et courtes (étui à lunette, téléphone, stylo) ont aussi en commun une gamme de mouvements différents des armes rigides et longues (bâton, canne). Le tout est de ne pas oublier son savoir-faire vu en Boxe de rue et en Lutte de rue. Tout doit être cumulable, par exemple slatch de ceinture sur le cou suivi d’un coup de pied aux parties avant de fuir.
PROTEGOR : Quels sont tes EDC (« every day carry ») ?
Eric Quéquet : La ceinture , celle là même que je portais quand j’étais dans les rues, un stylo fétiche, un porte-clés et une matraque telesco en alu quand je vais dans des endroits peu recommandables. J’ai aussi une bombe au poivre. En fait j’ai un sac tout le temps avec moi avec plein de choses dedans et je m’équipe en fonction. Cependant comme pour le reste je crois qu’il vaut mieux avoir des armes placées tout le temps aux mêmes endroits de manière à pouvoir les sortir sans réfléchir plutôt que de changer à chaque fois.
J’imagine que tu te demandes si j’ai un couteau et je te réponds oui ! Mais il n’est pas fait pour combattre. J’ai réfléchi la dessus et je recherche un couteau automatique à ouverture frontale (OTF, NDLR : « out of the front », dénomination anglophone pour un automatique communément appelé « cran d’arrêt ») avec un clip. J’en ai trouvé des biens mais très chers je prospecte encore. Sinon j’ai toujours aimé la griffe de Fred Perrin à condition de l’avoir par dessus le tshirt ce qui ne m’est pas toujours possible.
PROTEGOR : As-tu des conseils d’entraînement ?
Eric Quéquet : Pleins ! Mais ça fera sans doute l’objet d’un livre un de ces jours. Je dirai juste qu’il n’y a pas forcément besoin de salle ni d’horaire. La self défense se bosse partout et si l’on veut à tous moments. Se poser à un café et observer les gens c’est déjà de la self défense. Détourner l’attention de sa copine pour lui piquer son chocolat sur sa tasse de café c’est encore de la self défense (se protéger de la baffe qu’elle vous envoie si elle vous voit aussi). Écouter une conversation à la table d’à côté tout en conversant vous même c’est aussi de la self défense. Bref tout ce qui va mener à plus de vigilance et d’adaptabilité s’inscrit pour moi dans le cadre d’un travail utile en self défense.
PROTEGOR : Si tu avais 1 conseil à donner aux lecteurs de PROTEGOR là, comme ça, sans réfléchir, ce serait quoi ?
Eric Quéquet : Sers toi de tes yeux et pose toi des questions !
Merci beaucoup Eric.