Nous vivons une période très étrange, une évolution de la société d’une rapidité vertigineuse sur un nombre d’aspects incroyables (écologie, IA, mondialisation, etc.). Ca va secouer comme diraient certains. Et ce n’est pas le moment de se perdre mentalement. Or, de plus en plus semblent tomber dans le complotisme. Et ce n’est pas la bonne voie. La crédulité non plus. Démonstration.
De moins en moins de vérités
C’est l’IA qui est en train de mettre de coup de massue final à cette évidence depuis quelques années : nous allons vers moins en moins de vérités ! Alors que le monde a vécu depuis ses origines dans les croyances et mensonges, depuis le siècle des Lumières et l’avènement des sciences à la place qu’elles méritent, une lutte contre le faux était entamée et la vérité en bonne voie. Il devenait de plus en plus difficile de dire n’importe quoi, le factuel et l’analytique ramenant pragmatiquement à la vérité. Cela a commencé à changer avec le détournement des technologies… avec Photoshop, depuis des lustres, les photos sont retouchées pour masquer, tronquer, orienter la vérité. Plus récemment, avec les Deep Fakes, la même chose a commencé à voir le jour en vidéo…
Filter bubble
L’effet de ces mésusages technologiques aurait pu être circonscrit (oui c’est bon, j’ai pas oublié le R) à quelques menteurs professionnels (il y en a toujours et il y en aura toujours) en bataille face à des fact-checkers… mais les réseaux sociaux ont tout envenimé en aidant à la diffusion massive et industrielle des informations — dont les informations fausses. Autant les réseaux sociaux ont apporté un niveau de connectivité et d’échanges jamais atteint entre les êtres humains (avec tout le positif que ça peut apporter), autant ils sont devenus une arme de désinformation et manipulation massive. Et cela est renforcé par le Filter bubble, les algorithmes qui priorisent ce que vous voyez dans vos fils de publication en fonction de comment le réseau social vous connait et vous perçoit. Vous le savez, vous avez été mis dans une case, et vu que le réseau social souhaite que vous restiez et consommez (de la publicité), il vous sert ce que vous aimez : il vous enferme dans VOS vérités. Si vous êtes pro-Israël, il vous servira tout ce qui défend Israël (vrai et faux), si vous êtes pro-Palestine, il vous servira tout ce qui défend la Palestine (vrai et faux)… extrémisant votre position sur le sujet, notamment via les informations fausses (poussées par l’autre camp, ou les Russes, ou une personne/organisation dont ça arrange l’agenda de mettre de l’huile sur le feu). La radicalisation, l’extrémisation rend complotiste.
Complotisme = mal
Le complotisme est « la tendance à attribuer abusivement l’origine d’un phénomène, d’un événement historique, ou d’un fait social ou d’actualité à un complot inavouable », sans jamais démontrer ni qualifier précisément le complot. Le complotisme est un rejet systématique des informations diffusées, pensant que la vérité est ailleurs. Et avec tout ce que j’ai dit avant, à savoir que les réseaux sociaux mélangent allègrement vrai et faux dans les publications, et que des tiers fabriquent des fausses informations pour nous manipuler… bah ça donne envie d’être complotiste. Bah non. Pas bénéf. Car c’est rejeter toutes les vérités aussi et se créer soi-même des vérités… or un individu qui se crée lui-même l’ensemble de ses vérités, ça a peu de chance de marcher.
Paranoïa et complotisme
Le sujet de la sécurité qui nous rassemble ici, peut être paranoïsant. Je ne fais que le répéter, dans le livre et sur ce site. Mais j’en rajoute une couche ici… être ou devenir paranoïaque (voir le danger partout de manière exagérée) non seulement va à l’encontre de la sécurité personnelle (on va se créer des risques et dangers qui n’existent pas), mais aussi renforce les risques de devenir complotiste. En effet, c’est le même mode de fonctionnement de généralisation et de syllogisme, le même moteur qui pousse à la simplification et donc à l’extrémisation. Le manque de nuances. Le bourrinage. Après le souci avec la paranoïa comme le complotisme, c’est que ce sont des troubles anosognosiques ; autrement dit, ceux qui le sont ne s’en rendent pas compte. C’est comme les cons.
Confiance aveugle = mal
Mais évidemment, à l’inverse, gober comme un benêt toutes les informations, c’est mal aussi. A fortiori de nos jours, où le volume de conneries / mensonges produits ne fait que croître avec l’automatisation des campagnes de désinformations et de manipulation. L’IA d’ailleurs aide à cette industrialisation du mensonge et des contre-vérité. Il est donc fondamental de ne plus croire à ce que l’on nous raconte. En tous cas, pas de n’importe quelle source, pas sans un minimum d’analyse et de réflexion.
Mon cours de philo’ de term’
J’étais en terminale scientifique, il y a (très) longtemps, mais on avait quelques heures de philo quand même. La prof était une tyran. Elle nous a fait acheter un cahier grand format avec plus de 200 pages (reliure en tissu pour que ça tienne tellement il était épais, ça m’a marqué), et on écrivait du début à la fin du cours, non stop, de manière effrénée, tout ce qu’elle nous dictait. Certains abandonnaient. On risquait la foulure du poignet à chaque cours. On ressortait rincés. Mais franchement, c’est l’un des cours qui m’a laissé le plus de traces. Pas qu’au poignet. Notamment, un jour, elle nous a parlé de défiance…
Toujours une histoire de curseur…
Nous avions réussi à interrompre la prof’ (ou bien avait-elle perçu nos visages dubitatifs face à ce nouveau mot, c’est flou) dans son monologue, qui un peu énervée de cela et de constater qu’elle avait peut être mal expliqué, sur-simplifia pour sa classe de scientifiques peu philosophes : « la défiance c’est entre la confiance et la méfiance ».
Défiance : crainte méfiante envers quelqu’un ou quelque chose dont on n’est pas sûr ou qui semble présenter un risque, un danger.
Synonymes : prévention, prudence, réserve, réticence, suspicion.
Antonyme : confiance
Nous étions en plein cours sur l’esprit des Lumières, l’esprit critique très cher à la France. La défiance peut être méthodique, avec une volonté de sourcer (a minima), de prouver (si on a le temps), d’exercer son esprit critique affûté par des expériences d’analyse antérieure (quand on sait soi-même truquer une photo, une vidéo, quand on comprend comment manipuler via une publication… on voit plus rapidement quand quelqu’un essaye de vous le faire), de penser « à qui profite le crime la publication », de ne pas prendre tout pour acquis, etc.
J’en ai fait un petit graphique qui ne va pas bien loin et ne révolutionnera pas le monde, mais qui introduit un tout premier niveau de nuances (le manichéisme marche rarement sur les sujets de fond) et toujours cette idée fondamentale qu’il y a un curseur que chacun doit placer, en fonction de qui il est.