Les années 80 ont vu l’apogée de la notoriété des Ninja, thématique dont s’est emparé Hollywood pour continuer de surfer sur le succès des films d’arts martiaux des années 70. Les producteurs de la cité des anges lancèrent un florilège de « séries B » (des films à petits budgets qui sortent vite fait en salle, mais surtout en VHS à l’époque, puis DVD après… bon, ça existe plus) et de « séries Z » (nanards) autour de ces assassins de l’ombre.
Ninjamania
Cette ninjamania avec des films comme American Warrior ou Ninja III a été portée par quelques acteurs fétiches comme Sho Kosugi, dont l’interprétation du nin-jutsu ancra beaucoup de clichés dans la tête des spectateurs. Comme tout sujet qui accède à la notoriété, il y a des bons côtés et des mauvais côtés.
Le ninja était souvent représenté comme :
- un assassin redoutable, avec les valeurs qui vont avec
- habillé en noir, cagoulé, avec un sabre dans le dos
- avec un arsenal d’armes très riche et créatif
- avec un spectre de compétences extrêmement large
- doué de certaines compétences quasi-surnaturelles, notamment dans la furtivité
Samurai ou ninja des EDC ?
Les fidèles du site se souviennent d’un vieil article qui a bien marché à l’époque (2010, mazette) : êtes-vous Samurai ou Ninja ?
Dans cet article, l’idée était d’illustrer 2 profils distincts que la gestion des EDC (every-day-carry) : ceux qui choisissent l’objet ultime / parfait / pour une vie, et ceux qui choisissent l’objet pratique / pas cher / interchangeable.
Car les ninja ont un peu cette image de :
- utiliser plein d’outils variés et de les abandonner sur place
- être efficace dans l’utilisation de leurs outils, qu’ils maîtrisent tous
- ne pas vénérer leurs armes/outils
Ninja-to, le sabre myth(o)ique
L’arme principale des films de ninja était ce fameux sabre droit avec garde carré sobre, le « ninja-to ». Le cinéma en a fait une arme ultime, sûrement plus que ce qu’elle ne pèse vraiment dans l’histoire des guerriers de l’ombre. La force du marketing des armes, où quand le design et le look influent alors que seule la practicité devrait jouer. D’un point de vue practicité, la longueur plus courte (qu’un katana) du ninja-to d’Hollywood permettait des dégainages plus faciles, plus à l’étroit, et le fameux port dorsal qui fait trop cool à l’écran.
Le ninja-to est devenu le kif des guerriers-en-herbe ou combattants-wanna-be. Mais même les scénaristes des nanards se rendaient compte qu’un sabre pour un film moderne, c’était limite en efficacité. Le sabre moderne du XXe siècle a été remplacé par le pistolet.
L’un des plus grands nanards de films ninja, Ultimax Force, a trouvé la solution pourtant. Le pitch en une ligne : des anciens du Vietnam vont libérer des prisonniers après s’être formés au Ninjutsu. Et ouais. Résultat mi-figue mi-raison : rangers et bas de treillis « Olive Drab » vietnam, haut noir de ninja avec cagoule et sabre dans le dos, mais un Uzi ou un M16 pour sulfater car le sabre ça va 2 minutes !
Ci-dessus, une collection de « ninja-to » ou assimilés, de haut en bas :
- 1 sabre Warren Thomas hyper léger avec lame à noix de titane, inspiré dans sa forme des ninja-to
- 1 sabre Juppei Makkari hyper léger avec lame titane+carbone
- 1 sabre récent au ratio inspiré des sabres de Sho Kosugi (poignée faisant 3/8e de la lame)
- 1 Shinobu-Zue ou sabre caché de cascade appartenant à Sho Kosugi et utilisé dans le film Rage of Honor
- 2 sabres des années 90 que l’on trouvait dans toutes les « bonnes » armureries ou coutelleries pour 600 francs (!)
Absorb what is useful…
Bon finalement, on en revient toujours au même adage avec beaucoup de sujets : absorb what is useful, reject what is useless (merci Bruce Lee). Qu’est-ce qui est bon à prendre dans le nin-jutsu et les ninja hollywoodiens, et qu’est-ce qu’il faut rejeter en bloc ?
Absorbé
- il faut travailler la polyvalence, s’intéresser à beaucoup de sujets, développer des compétences d’homme complet et ne pas chercher la spécialisation
- les armes sont un art de créativité, et il faut voir le côté hoplo-pratique de n’importe quel objet
- la furtivité peut sous certains aspects se rapprocher du concept de l’homme gris
- le ninjutsu originel est très éloigné des ninja hollywoodiens, et c’est un art martial riche, à part entière, qui peut être une passion fascinante à condition d’y passer beaucoup de temps, de faire des recherches et d’exercer un esprit critique sur tout ce qui a été écrit sur le sujet
Rejeté
- les boules de fumées, les shuriken, les tekagi, le ninja-to, etc.
- l’inadéquation de temporalité de pratiques du moyen-âge portées dans la société moderne
- le côté sectaire de beaucoup d’écoles de nin-jutsu traditionnelles
- l’ego-trip et la mentalité « particulière » de certains pratiquants de nin-jutsu, très crédules